Attention : le manager de proximité n’est plus celui qu’on croit !

Publié le par Parti Pris

« Manager de proximité » : formulation admise pour désigner un manager en prise directe avec le terrain, les clients, les projets, bref en un mot, les opérations quotidiennes réalisées au sein des organisations. On devient « manager de proximité », la plupart du temps à la faveur d’une première promotion, sur la base d’une expertise reconnue, augurant si ce n’est d’un bon positionnement managérial en tous cas d’une certaine légitimité technique.

Proximité ou promiscuité ?

On l’appelle donc ainsi car il est, à proximité de son théâtre d’opérations ; clients, collaborateurs, projets, process… et surtout de son ancien métier de contributeur. A tel point qu’en le nommant manager, on cherche souvent moins à augmenter sa hauteur de vue qu’à s’assurer d’une plus forte intensité de travail de sa part sur les sujets qu’il maîtrise.

Nous sommes ici face à un premier risque : celui de faire jouer à ce primo manager les prolongations de l’expertise par la coordination et le contrôle du travail des autres. Cette essentialisation de son rôle ne lui laisse souvent guère d’autre issue que de chercher à rester au plus près du terrain.

Dans ce cas, on crée les conditions d’une appréhension tronquée du nouveau rôle de manager en l’incitant à se fondre dans l’équipe. On en connait les conséquences ; manager super-expert, manager grand frère/grande sœur, manager copain-copain…

Ceux qui voudront l’aider, pensant bien faire, tenteront même de diminuer la hauteur de la marche à gravir : « Tout va bien se passer, tu vas encadrer d’anciens collègues ! Tu les connais déjà, ils savent que tu es bon donc tu n’auras aucun mal à t’imposer » ; « Tu es le meilleur de l’équipe et c’est aussi pour cela que nous avons pensé à toi pour encadrer. Par ailleurs, tu dois rester dans les opérations afin de ne pas perdre la main. Tu continueras donc de remplir tes anciennes missions tout en cordonnant l’équipe. »

Ben voyons… ! Que fait-il avec ça notre primo-manager dit « de proximité » ? Il reste à proximité, quitte à créer et à entretenir une connivence ambiguë avec les opérations quotidiennes de ses collaborateurs… Il pallie les lacunes, les absences voire les départs, il micro-manage…

La peur d’être ostracisé joue aussi à plein. Les primo-managers racontent comment certaines conversations désormais s’arrêtent à leur arrivée. Ils réalisent cette solitude qui caractérise l’exercice du rôle. Ils cherchent la solution du problème en restant le plus possible à l’intérieur. Ils cherchent enfin à rester « les meilleurs » car n’est-ce pas ce qui les a amenés là où ils sont !

Il est dans ce contexte franchement injuste d’opposer au primo-manager ses premières difficultés de positionnement. Il a été, la plupart du temps, non seulement mal préparé mais également très mal orienté vers ce nouveau métier et les précautions qu’il impose.

Appelez-moi le patron !

Pendant ce temps-là, que fait le manager de manager ?

« Tu seras aidé par ton manager à qui tu pourras poser toutes les questions et avec qui tu auras toutes les possibilités d’échanges et de concertations nécessaires ».

Si seulement c’était vrai ! La réalité est souvent toute autre.

D’une part, les managers d’équipe admettent volontiers que les dernières personnes à qui ils songent à s’adresser en cas de difficultés managériales sont leurs propres managers ; Syndrome du MPM ! (« même pas mal »). « Surtout, ne pas donner le sentiment à mon manager que je suis en difficulté, il va penser qu’il a fait une erreur en me nommant ». Mais également parce qu’ils pensent que leurs managers ne seront pas forcément les bons interlocuteurs pour ces types de sujets.

Ajoutons à cela que les managers de managers eux-mêmes, ne se sentant pas tout le temps légitimes ou aguerris, avouent ne pas raffoler des sollicitations de leurs collaborateurs sur des cas de management, au point même de les fuir parfois, et la boucle est bouclée.

Pourtant, parfois, le manager d’équipe s’affranchit de sa peur et ose remonter le point ; il peut arriver alors que le manager de managers ne saisisse pas tout l’enjeu. Soucieux avant tout que les choses se passent bien, il est souvent tenté de répondre « Quoi » faire, plutôt que « comment » ou « pourquoi le faire » ; quand il ne proposera pas de faire à la place pour aider le manager en le déchargeant de cette « dure besogne ».

On touche ici le cœur de la mission de proximité du manager du managers. Coacher son collaborateur-manager ! Ce lien doit s’établir ou se rétablir définitivement. C’est lui qui fait défaut la plupart du temps. A défaut de cette complicité entre le manager de manager et le manager, on s’observe mutuellement dans un attentisme coupable…

Manager de managers : « Voyons voir comment il va se débrouiller tout seul ? », Voire « Pourvu qu’il y arrive sans moi ! »
Manager d’équipe : « Surtout ne pas montrer à mon manager que je ne sais pas ! », voire « Il ne saurait pas lui-même de toutes façons ! »

… Et le manager de managers de se rassurer en dernier recours en jouant au manager correcteur, supplétif, voire « sauveur », donc souvent au final, culpabilisateur.

C’est quoi être un bon manager de managers ?

Appelons de tous nos vœux que le manager de managers n’ait qu’une obsession : mettre ses collaborateurs-managers en situation d’apprendre, de découvrir et de progresser sans cesse. Et pour cela, de s’assurer à chaque instant qu’ils soient bien en situation de management.

Il s’agit d’installer une relation de confiance, d’inciter les managers à oser s’ouvrir sur les difficultés qu’ils rencontrent afin de les aider à construire des réponses, des propositions et des actions qu’ils mèneront seuls.

Cela ne pourra se faire sans la plus grande proximité possible : celle de la complicité et de la confiance managériale affichée. On sait tous que dans la manière de préparer quelqu’un à une échéance, on peut conditionner une large partie de sa réussite ou de son échec.

Placer réellement un manager en situation, s’astreindre à bien le considérer comme un manager, coconstruire avec lui ses actions, sont des gestes qui ne peuvent porter véritablement leurs fruits qu’en proximité.

Aussi, finissons-en avec cette formule technocrate du manager de proximité pour parler des managers d’équipe et utilisons-la plutôt pour qualifier le travail de concertation et d’inspiration réciproque qui sied tant au rôle du manager de managers.

Agir en proximité avec les managers, c’est non seulement leur donner la hauteur dont ils ont besoin dans l’exercice de leur rôle mais c’est surtout les orienter convenablement et durablement…

« Parlons plutôt de tes équipes », « De quoi es-tu le plus satisfait ? », « Quelles difficultés rencontres-tu actuellement ? », « Ce collaborateur dont tu me parles, sait-il que tu n’es pas satisfait de son travail ? », « Comment veux-tu lui en parler », « Penses-tu que ce soit vraiment une bonne idée », « Comment puis-je t’aider autrement qu’en le faisant à ta place », « Quel résultat veux-tu obtenir avec lui ? », « Que t’engages-tu à faire ? », « Quelles sont tes propositions ? », « Que voudrais-tu que ton équipe retienne de cette aventure ? », « Leur en as-tu parlé ? », « Que veux-tu changer ? », « Comment puis-je t’aider ? », « Que souhaites-tu changer », « Raconte-moi comment cela s’est passé ? », etc…

A ce prix et aussi à cette condition, les managers de managers se distingueront véritablement par une un « vraie » action en proximité. Plus proches des difficultés vécues par leurs collaborateurs-managers, ils les connaitront mieux dans leurs forces mais aussi dans leurs lacunes et leurs difficultés. Plus au fait de leurs interrogations, ils seront également enclins à davantage les écouter.

Renommés « managers en proximité » par les nouvelles circonstances de leurs interventions, les managers de managers seront davantage au service des managers d’équipe. Et ces mêmes managers d’équipe, faute de ne plus être affublés du suffixe « de proximité », comprendront mieux leur rôle en s’occupant davantage des personnes que de la conformité des tâches réalisées.

Ajoutons enfin qu’à défaut de ne plus être ceux que l’on croit, ils augmenteront leurs chances d’être vraiment crus et pris au sérieux quant à leurs questionnements et leurs doutes.